Le SAWI devient un groupe
Interview de Yannick Chevailler, directeur du groupe SAWI Suisse romande
Voici deux ans que Yannick Chevailler a pris les rênes du SAWI. Sa principale mission a consisté à adapter les formations et à en proposer de nouvelles afin de mieux coller au slogan de ce centre de formation: « Pour les professionnels par les professionnels ». Hier passage obligé, le SAWI doit aujourd’hui faire face à une forte concurrence sur le marché de la formation B2B. Désormais également à la tête de Polycom (la seule formation marketing et communication à plein temps) en tant que directeur ad interim, Yannick Chevailler envisage de transformer les statuts du SAWI afin de faire évoluer cette association en un groupe. Le moment était venu d’en savoir plus, d’où cette grande interview.
Yannick Chevailler, depuis votre entrée en fonction le 1er octobre 2012, quels ont été obstacles et les facilités auxquelles vous avez été confronté ?
Lorsque l’on prend la direction d’une structure que l’on ne connaît que de l’extérieur, le plus difficile est de bien saisir son fonctionnement. Raison pour laquelle je me suis attelé dès mon entrée en fonction à cette mission essentielle. Cette analyse m’a naturellement amené à réfléchir aux attentes de nos étudiants et aux offres en formation professionnelle. Le SAWI existe depuis plus de 40 ans, ce qui nous motive d’autant plus à rester pertinents en proposant des formations qui correspondent aux besoins du marché. Anticiper l’avenir en se basant sur l’existant a été chose aisée à partir du moment où j’ai pu obtenir une vision claire de la situation.
Justement, qu’est-ce que le SAWI et que représente-t-il en Suisse romande?
Le SAWI est un centre d’enseignement de formation continue en marketing, vente, communication et digital qui s’adresse principalement aux professionnels. Plus de 800 personnes suivent nos cours chaque année et 250 spécialistes y enseignent. Mis à part Polycom, qui est une école à plein temps et qui s’adresse à des étudiants sortant de maturité, la moyenne d’âge de nos élèves varie entre 18 et 30 ans. On constate toutefois que nous touchons désormais une nouvelle population : les quadragénaires souhaitant se former dans le domaine du digital, ou encore dans de nouvelles formations spécifiques, comme par exemple le marketing sportif. Leur objectif est autant la mise à jour de leurs connaissances que la préparation de leur reconversion professionnelle.
Autrefois, le SAWI était soutenu par les différentes associations professionnelles du secteur, est-ce toujours le cas ?
Formellement le SAWI est une association à but non lucratif contrôlée par des associations professionnelles. Le conseil d’école est composé par 40 associations qui orientent le positionnement et l’offre du SAWI. Mais force est de constater que le rôle de ces associations dans le tissu économique est moins important que par le passé, raison pour laquelle nous devons revoir notre modèle de gouvernance et transformer le SAWI en une entreprise à part entière. Une mission que j’ai commencé d’entreprendre.
Il y a encore quelques années, les employeurs prenaient généralement à leur charge vos formations, afin de former leurs collaborateurs et aussi de les fidéliser. Est-ce toujours le cas ?
Malgré le contexte économique plus difficile, il y a encore près de 40% de nos élèves dont la formation est financée par l’entreprise qui les emploie. Ce qui revient aussi à dire que plus de 60% de nos étudiants ont pris conscience de la valeur de la formation continue et sont prêts à investir personnellement dans leur avenir professionnel.
Le marché de la formation est de plus en plus concurrentiel. De leader incontesté, vous êtes aujourd’hui mis en concurrence sur toutes vos formations. Votre force reste le label « fédéral » de vos diplômes. S’agit-il encore d’un plus ?
Oui, certainement. Sur le marché suisse, la formation est duale. Le bachelor de la formation professionnelle, c’est la certification fédérale. Précisons encore que toutes nos formations ne sont pas mises en concurrence et que nous nous efforçons au contraire d’être innovants ; par exemple nous sommes le seul institut en Suisse romande à proposer un cours de Spécialiste en événementiel et sponsoring. Pour toutes nos filières (Marketing, Communication, Vente, Digital), nous proposons trois niveaux : introduction, généraliste et spécialiste. Seul ce dernier aboutit à un examen fédéral. Ce diplôme est un gage d’employabilité en Suisse et nos étudiants y restent attachés. Ils y obtiennent généralement d’excellents résultats, ce qui est une marque de satisfaction et de différenciation pour notre école. D’ailleurs, nous sommes les seuls en Suisse romande à préparer nos étudiants au diplôme fédéral de planificateur en communication.
Les employeurs y sont-ils encore sensibles ?
La réponse à votre question se trouve dans le libellé des annonces d’offre d’emploi. Tant que l’on y verra « diplôme SAWI exigé », nous aurons notre place. Autre preuve, nous avons de plus en plus d’universitaires qui, ne trouvant pas de travail à l’issue de leur formation académique, viennent suivre nos formations pour obtenir un brevet fédéral qui, dans la réalité du marché, est plus valorisé par les employeurs.
Quelles sont les filières les plus recherchées ?
Polycom pour les jeunes étudiants recherchant une formation à plein temps. Quant aux formations en emploi, c’est indéniablement le marketing et le digital qui attirent le plus de monde. Or, ces deux disciplines tendent à se regrouper dans la vie réelle. La question qui se pose à nous dans un court terme est celle d’un regroupement ou d’une meilleure prise en charge du marketing dans la formation digitale et vice et versa.
Parlons de Polycom. Vous venez d’être nommé directeur ad interim à la place de René Engelman. Que s’est-il passé ?
Lorsque René Engelman, l’ex-directeur de Polycom, a annoncé qu’il vendait son école CREA à l’INSEEC, il a également déclaré rester administrateur de CREA et, de plus, prendre en charge le développement de l’INSEEC en Suisse. Du côté de SAWI, nous étions d’avis que ces responsabilités n’étaient pas compatibles avec la direction de Polycom. C’est la raison pour laquelle, en accord avec René Engelmann, nous avons mis un terme à notre collaboration. Nous avons également rattaché Polycom au SAWI Suisse romande, afin de favoriser d’éventuelles synergies entre ces deux entités.
Allez-vous chercher un directeur ou restez-vous directeur de Polycom ?
Je resterai ad interim jusqu’à ce que nous ayons sélectionné et engagé le nouveau directeur. Cette situation transitoire m’a amené à revoir la gouvernance à l’intérieur du SAWI. Je souhaite un modèle avec des entités plus autonomes, l’idée étant qu’il y ait un directeur du SAWI, un directeur du Polycom et un président chapeautant ces deux entités. Cette dernière position me permettrait d’être moins impliqué dans l’opérationnel et de me consacrer entièrement au développement du SAWI.
Tous ces changements auront-ils une incidence sur Polycom ?
Comme pour le reste de nos formations, Polycom ne peut rester statique. Nous devons commencer à profiler Polycom 3.0. Jean-Christophe Francet, actuel co-directeur du cours de spécialiste en communication et consultant indépendant, a été mandaté pour procéder à un audit complet des contenus et thématiques de toutes nos formations. Les premiers résultats seront disponibles avant la fin de cette année.
Qu’en est-il de vos accords avec CREA ?
La collaboration entre nos deux écoles pour le master en marketing du luxe reste en vigueur. D’autres partenariats sont possibles avec CREA, comme avec d’autres écoles.
Donnez-vous également des cours dans les locaux de CREA ?
Oui, nous y louons en effet des salles. A ce jour quelque 200 étudiants suivent nos formations à Genève. Nous projetons également de proposer des cours à Neuchâtel.
A quoi ressemblera le SAWI dans cinq ans ?
Nous serons un groupe dont les pôles de compétences fonctionneront comme des start-ups. Il est important que nous développions des modèles d’affaires par le biais de nos formations, et que nous concluions des partenariats stratégiques en Suisse comme à l’international.
Des exemples ?
Nous n’avons pas besoin de tout réinventer et encore moins de le faire tout seuls. En revanche, nous nous devons d’être innovants. Si une école est spécialisée dans telle ou telle formation spécifique, en signant des accords de collaboration, nous ferons progresser nos élèves. De notre côté, notre expérience peut être reprise en marque blanche par d’autres établissements. Les connaissances évoluent tellement vite qu’il est vital que nous jouions de nos forces, tantôt par le truchement de partenariats, tantôt en tant que pionniers innovateurs.
La clé de la formation, surtout professionnelle, repose sur la qualité des enseignants. Il y a eu passablement de turn-over au SAWI ces dernières années, que doit-on en conclure?
Ce sujet me tient particulièrement à cœur. La règle est désormais claire. Seuls des professionnels actifs à 100% peuvent donner des cours. Le SAWI n’a pas pour mandat d’engager des professeurs à plein temps.
Pour ce qui est du renouvellement du corps enseignant, il s’explique principalement par le fait que ces dernières années, le contenu des cours a logiquement beaucoup évolué compte tenu de la mutation numérique. Ces mouvements sont un gage de qualité pour les élèves. Notre objectif est de rester LA référence en termes de formation et de proposer les meilleurs professionnels du marché comme intervenants.
Nous n’avons évoqué que le SAWI Suisse romande. Qu’en est-il que la situation du SAWI à Zurich ? Cette structure connaît depuis des années des problèmes de rentabilité. Une scission est-elle envisageable ?
Nous évoluons sur des marchés différents. Le marché de la formation zurichois est beaucoup plus concurrentiel que le romand. Dans ce contexte, il est plus difficile de se démarquer. Toutefois, il est essentiel que nous restions une marque nationale. C’est un avantage indéniable par rapport à nos concurrents. Pour autant, il est possible que l’évolution de nos statuts nous amène à privilégier une structure différente permettant de servir le marché de manière optimale.